Écrire les camps : une littérature du XXe siècle

Conférence Lecture


« Vous ne croyez pas ce que nous disons parce que si c’était vrai ce que nous disons nous ne serions pas là pour le dire. » 
Cette phrase de Charlotte Delbo dans Mesure de nos jours condense, avec la force de l’évidence, le dilemme auquel se sont heurtés les rescapés des camps nazis quand ils ont tenté de témoigner de leur expérience. 

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Une fois écoulé le flot des récits du retour, nécessairement répétitifs, s’est posée la question de la forme que devait prendre le témoignage pour être entendu et porté à la hauteur de la catastrophe que représentait pour l’humanité entière l’événement historique de la déportation et de l’extermination dans les camps nazis. Ce souci-là ne répondait pas à un impératif esthétique, mais provenait de l’expérience même des rescapés.
Car les camps avaient dévasté les fondements de l’existence humaine, et, parmi eux, la confiance dans le langage. Les survivants avaient fait l’expérience, dans leur propre langue, de la distance incommensurable qui s’introduisait alors entre la signification ordinaire des mots et le vécu que ceux-ci en venaient à désigner dans le contexte de détresse vitale où ils se trouvaient plongés. Les mots « faim », « soif », « jour », « nuit » n’ont plus, dès lors, le sens qu’ils avaient jusque-là : ils sont devenus les signifiants d’une torture sans fin. Aussi est-il difficile, voire impossible aux « revenants » et « revenantes » de réintégrer le langage commun ; une faille irréparable s’est creusée dans la communication avec les « vivants » ordinaires : « nous ne savons pas répondre avec vos mots à vous et nos mots à nous vous ne les comprenez pas », constate Delbo. 
C’est sur cette question de la perte du langage commun et du travail sur la langue à accomplir pour la réparer, ou du moins la dépasser, que sera centrée la conférence. Cette perspective permettra de montrer, le plus concrètement possible, l’inventivité linguistique et la consistance poétique de certains des textes de l’anthologie. 

Conférence ponctuée de lecture d'extraits par Anna Thiriot, étudiante en arts du spectacle à l’ENS de Lyon
Par Michèle Rosellini, maitresse de conférences honoraire en littérature française à l'ENS de Lyon et co-autrice de L’Espèce humaine et autres écrits des camps (Gallimard, Pléiade, 2021)
 

Le 6 octobre 2022, de 18h30 à 21h00
Adulte
Conférence
3€