L'arrestation de Jean Moulin

Le 21 juin 1943, la maison du docteur Frédéric Dugoujon, à Caluire-et-Cuire, est le théâtre de l’arrestation de Jean Moulin. Ce jour-là, en début d’après-midi, les principaux responsables militaires des organisations de zone sud se rendent, en ordre dispersé, à un rendez-vous convenu place Castellane (aujourd’hui place Gouailhardou). Ils doivent participer à une importante réunion destinée à nommer le remplaçant du général Delestraint, chef de l’Armée secrète, arrêté quelques jours auparavant à Paris. La maison du docteur Dugoujon semble offrir le cadre idéal pour cette rencontre : le lieu est isolé, facile d’accès ; il comporte une issue par l’arrière, et le cabinet médical n’attire pas l’attention.

Dès 13 h 30, les premiers participants arrivent, accueillis par la gouvernante du docteur, Marguerite Brossier. Cinq d’entre eux sont conduits au premier étage, à l’énoncé de la phrase convenue : « Nous venons de la part de Monsieur Lassagne ».

Il y a là :

  • André Lassagne, adjoint du général Delestraint pour la Zone Sud et ami du docteur Dugoujon. C’est lui qui a réglé les détails de cette réunion ;
  • Bruno Larat, chef national des opérations de parachutage et d’atterrissage ;
  • Albert Lacaze, récemment intégré à l’Etat-major de l’Armée secrète ;
  • Henry Aubry, chef de cabinet du général Delestraint ;
  • René Hardy, alias Didot, membre du mouvement Combat, responsable du NAP-Fer, qui coordonnait les sabotages ferroviaires, mandaté par Pierre Bénouville pour le remplacer à cette réunion.

 

Les trois derniers participants ont 45 minutes de retard :

  • Jean Moulin, le représentant du général de Gaulle, qui arrive au rendez-vous sous l’identité de Jacques Martel ;
  • Émile Schwarzfeld, chef du mouvement « France d’abord », pressenti par Jean Moulin pour succéder au général Delestraint à la tête de l’Armée secrète ;
  • Raymond Aubrac, chef des groupes paramilitaires du mouvement « Libération », attaché à l’état-major de l’Armée secrète.

 

Pensant qu’il s’agit de patients ordinaires, Marguerite Brossier les oriente vers la salle d’attente, au rez-de-chaussée.

Un quart d’heure ne s’est pas écoulé que la Gestapo investit la maison, y compris le premier étage. André Lassagne raconte : « Ce fut l’irruption, dans la pièce où nous nous trouvions, de 4 ou 5 policiers allemands, armés de pistolets et de mitraillettes. Rapide bousculade de coups de poing et de crosse et nous nous retrouvâmes très vite les mains liées par des menottes, face au mur… ».

Trois voitures attendent place Castellane, où quelques rares témoins assistent à une scène curieuse dont témoigne Marguerite Brossier : « J’ai vu redescendre un des trois hommes qui étaient montés ensemble, encadré par quatre hommes de la Gestapo… il s’est enfui… Les Allemands se sont mis à crier et à tirer des coups de feu… Par la suite, en réfléchissant, j’ai été étonnée qu’ils ne l’aient pas tué, car ils lui tiraient dessus de très près… ».

Nous voici là au cœur de « l’affaire » : la facile évasion de René Hardy, de même que la protection dont il semble bénéficier dans les jours qui suivent, attirent d’emblée la suspicion et le désignent comme traître. Accusé, Hardy sera jugé à Paris en 1947, puis en 1950, pour être finalement acquitté. S’il a toujours proclamé son innocence, comment expliquer qu’il ait caché une première arrestation en gare de Chalon-sur-Saône, quelques jours avant celle de Caluire ? Et qu’il ait été tout aussi mystérieusement relâché ? Que penser des allégations faites ultérieurement par Klaus Barbie ? : « Hardy s’est évadé de Caluire avec ma complicité, les menottes étaient truquées… sa trahison a eu une importance considérable pour nous ».

René Hardy et Klaus Barbie sont tous deux morts avec leur secret. Aussi, par-delà les soupçons, la question perdure : par qui Jean Moulin a-t-il été trahi ?

Informations techniques

Article du pôle scientifique

Date : 21 juin 1943
Personne : 

Jean Moulin